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Un "populisme de gauche" au Pérou ?

Pérou. Qui est Pedro Castillo, cet enseignant qui a créé la surprise aux présidentielles ?

Dans un climat de fragmentation politique et de crise sanitaire, Pedro Castillo enseignant et candidat de gauche crée la surprise en arrivant en tête des présidentielles au Pérou avec 18,1% des voix. La candidate conservatrice Keiko Fujimori est arrivée en deuxième position avec 14,5 %.

La Izquierda Diario.ar

13 avril 2021

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Photo : AFP

Traduit par Tifenn Marin

Article initialement paru sur La Izquierda Diario, journal membre du réseau international dont fait partie Révolution Permanente.

Le scénario électoral extrêmement fragmenté au Pérou reflète la crise politique et le mécontentement de la population concernant la gestion de la crise du coronavirus. Au moins six des 18 candidatures présidentielles peuvent potentiellement passer au second tour. Cette élection a également vu l’élection des 130 membres du Congrès unique et de cinq députés au Parlement andin.

Pedro Castillo, enseignant et syndicaliste a créé la surprise en arrivant en première position avec 18,1% lors des élections qui se sont tenues le dimanche 11 avril dans tout le Pérou. En deuxième position, on trouve la populiste de droite Keiko Fujimori avec 14,5 %. En troisième position se trouve l’ultra-droite Rafael López Aliaga, connu sous le nom de "Porky", avec 12,2 %. Viennent ensuite l’économiste néolibéral Hernando de Soto avec 10,7%, Yonhy Lescano avec 9,8% et derrière lui Verónika Mendoza avec 7,9%. Il y avait dix-huit candidats, dont l’ancien président Ollanta Humala, qui a obtenu à peine 1,5%.

Qui est Pedro Castillo ?

José Pedro Castillo Terrones est né en 1969 dans la ville de Puña, située dans le département de Cajamarca, dans le nord-ouest du Pérou. Il est enseignant dans le primaire, où il s’est distingué en tant que leader syndical qui a organisé plusieurs grèves des travailleurs de l’éducation. Il a commencé sa carrière politique en 2005 en devenant membre du comité de Cajamarca du parti politique Perú Posible.

Il s’est fait connaître en 2017 lorsqu’il a pris la tête de la grève nationale des enseignants qui a duré trois mois pour réclamer des augmentations de salaire et la suppression des évaluations des performances professionnelles des enseignants. Pendant cette grève, Castillo a dirigé une faction d’opposition au traditionnel Sindicato Único de Trabajadores de la Educación del Perú (Sutep). À l’époque, il a été accusé d’avoir des liens avec le Mouvement pour l’amnistie et les droits fondamentaux (Movadef), le bras politique du groupe armé Sentier lumineux, dans le cadre d’une campagne de diffamation. Accusation que Castillo niera toujours.

Il représente actuellement le parti Pérou Libre à l’idéologie progressiste. Castillo est l’un des huit candidats à la présidence qui n’a fait l’objet d’aucune accusation pénale. Dans son projet de gouvernement figure l’idée de modifier la Constitution politique du pays, principalement dans le but de réaliser une réforme économique dans laquelle l’État assumerait le rôle d’un entrepreneur pour concurrencer le secteur privé.

"Nous vivons actuellement dans un système capitaliste apparemment renouvelé, dans un néolibéralisme économique, appelé économie sociale de marché, imposé depuis 1993 et qui, depuis, va à l’encontre des intérêts de la majorité de la population du pays. Pour changer cette triste réalité, il est nécessaire de proposer des réformes dans le secteur économique, la plupart d’entre elles de manière drastique", assure le plan gouvernemental du Pérou Libre intitulé "Économie populaire de marché".

La proposition prévoit également la nationalisation d’entreprises dans divers secteurs économiques tels que les mines, le pétrole, l’hydro-énergie, le gaz et les communications.

"Dans certains cas, il convient de recourir uniquement à la nationalisation et non à l’étatisation, en compensant le secteur privé pour l’investissement et en administrant la totalité des bénéfices générés", explique le document.

Cependant, les propositions programmatiques et la stratégie politique de Castillo reposent sur des visions réformistes qui, malgré les propositions de sa campagne visant à modifier la Constitution, à gouverner avec un salaire d’enseignant et à réduire le salaire des membres du Congrès, ne remettent pas en question la structure capitaliste péruvienne.

Dans leur plan, il n’y a pas de réponse radicale à la précarité du travail et à l’exploitation du travail, et ils ne cherchent pas non plus une véritable confrontation avec les grands groupes économiques qui contrôlent le pays. À l’approche du jour des élections, ils avaient déjà revu à la baisse leurs timides mesures économiques, à tel point qu’ils ont récemment déclaré que, dans leur gouvernement, ils ne prélèveraient pas d’impôt sur la fortune…

Dans ses discours, il ne mentionne ni ne s’adresse jamais à la classe ouvrière. Il fait appel à l’unité de tous les Péruviens, c’est pourquoi il parle du "peuple" ou de la "patrie", avec lesquels il cache intentionnellement les différences de classe qui conditionnent la dynamique économique, sociale et politique dans les pays capitalistes dépendants comme le Pérou.

Pedro Castillo, fait appel de manière récurrente à un discours indigéniste au point de se définir lui-même comme "Tawantinsuyano" (en référence à l’ancien empire inca), son entourage est lié aux secteurs paysans, aux secteurs populaires urbains et au corps enseignant. Mais cela ne le dispense pas du fait que, dans son projet de gouvernement, il ne rompt pas avec les grands hommes d’affaires étrangers et encore moins avec la bourgeoisie nationale. Castillo et sa formation politique parlent de changer la Constitution de 1993, mais sa proposition se réduit à le faire à partir des institutions imposées par le régime de 1993 (établies par l’ancien président réactionnaire Fujimori père de la candidate Keiko Fujimori) et en marge de la mobilisation et de l’auto-organisation ouvrière et populaire, ce qui réduit ce slogan à une simple réforme constitutionnelle.

L’élément supplémentaire qui a fait de Castillo un candidat attrayant pour les secteurs populaires, principalement dans les provinces de l’intérieur du pays, tient au fait qu’il est perçu par eux comme un combattant résolu. Cela s’explique par le fait qu’il est un leader syndical du syndicat majoritaire de l’enseignement, et qu’ils le perçoivent également comme quelqu’un d’extérieur à la classe politique traditionnelle, extrêmement contestée par la population.


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