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Portrait d’un chien de garde

ONPC. Yann Moix proche de l’extrême droite ? Nous avons enquêté

Yann Moix, le chroniqueur d’ « On n’est pas couchés », sur France 2, s’est encore démarqué ce lundi soir par ses attaques virulentes contre le seul candidat ouvrier de ces présidentielles, Philippe Poutou. Un acharnement qui n’a rien de très étonnant quand on connait les positions politiques de celui-ci. Retour sur un parcours en eaux troubles.

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Lundi soir, dans « On n’est pas couchés », les chroniqueurs de Laurent Ruquier se sont lâchés sur Philippe Poutou, seul candidat ouvrier de ces présidentielles. Un numéro dans lequel Yann Moix s’est particulièrement distingué, déclarant que si le candidat du NPA avait plus de temps d’audience, celui-ci ferait un « petit peu moins » de voix lors des élections. Sur les réseaux sociaux et Internet, les proximités supposées de Yann Moix avec l’extrême droite sont souvent dénoncées, souvent par la fachosphère elle-même. Si beaucoup de ces informations sont erronées voire falsifiées, il n’en reste pas moins que le chroniqueur d’ « On n’est pas couchés » présente bien tous les avatars des penseurs les plus réactionnaires. Décryptage.

Une proximité troublante avec l’extrême droite

 
Sur Internet, il suffit de quelques recherches sur Yann Moix pour repérer rapidement des photos du chroniqueur avec des figures de l’extrême droite française. Sur la dernière en date, largement relayée par l’extrême droite, on peut le voir poser aux côtés de Frédéric Chatillon, ex-membre du GUD et proche de Marine Le Pen, mis en examen récemment pour abus de bien sociaux.

Réponse de Yann Moix : « il s’agissait de l’obscur Frédéric Chatillon, que je n’ai jamais rencontré de ma vie avant et dont le visage n’est connu de personne en ce bas monde […] les idées de ce personnage sont symétriquement opposées aux miennes. » L’intéressé, Chatillon, soutient, lui, le contraire, que les deux hommes se connaissent bien. Mais laissons le bénéfice du doute à Moix. Après tout, une photo ne prouve rien. Mais le problème, c’est que celle-ci est loin d’être la seule où celui-ci s’affiche à côté de figures de l’extrême droite.

On a pu également le voir avec Alain Soral :

Ou encore avec Dieudonné :

Et puis il y a cette photo avec Paul-Eric Blanrue, auteur considéré comme révisionniste et grand défenseur du négationniste Robert Faurisson.

Enfin, il y aussi son amitié connue avec Marc-Edouard Nabe, écrivain dont les écrits flirtent avec l’antisémitisme. On commence à se dire que ça fait beaucoup. Tous ces liens, Moix ne les nie pas, mais, à chaque fois, sa réponse est la même, il ne le savait pas, et il a rompu les liens avec cette sphère d’amitié dès qu’il a découvert leurs positions antisémites. A propos de Nabe, il déclare : «  On peut côtoyer des antisémites pendant des années sans savoir qu’ils le sont parce qu’eux-mêmes ne le savent pas. » Ou encore à propos de Blanrue : « Il n’a jamais été un ami, juste un copain. Un copain, c’est celui avec qui on fait des virées, on drague les filles, on se biture... On éprouvait la même passion pour Guitry. Je l’ai perdu de vue lors du tournage de mon film "Cinéman" [sorti en 2009, NDLR]. J’ai découvert plus tard un type devenu complotiste, révisionniste, négationniste... Au moment où on faisait des virées, est-ce que j’ai les moyens de savoir ça ? Non.  »

Et puis, il y a l’affaire de la pétition signée avec Faurisson, négationniste français très connu, demandant l’abrogation de la loi Gayssot et la libération d’un autre négationniste, Vincent Reynouard. Mais celui-ci dénonce s’être fait piégé et a par la suite retiré sa signature en expliquant que s’il voulait faire retirer la loi Gayssot, qui punit la contestation des crimes contre l’humanité, c’était au contraire pour mieux combattre les négationnistes. Enfin, il y a la préface du livre de Blanrue, Anthologie des propos contre les Juifs, le judaïsme et le sionisme. Ce livre avait été interdit après publication par la justice française pour « négation de crime contre l’humanité » et « provocation à la haine raciale » lorsqu’il avait été diffusé par la maison d’édition KontreKulture, appartenant au polémiste Alain Soral. Une préface qui, s’il est vrai qu’elle n’a rien d’antisémite, qu’elle dénonce au contraire les textes qui suivent, n’en interpelle pas moins. Pourquoi cette publication ? On n’aura pas de réponse : Yann Moix reste très fuyant sur le sujet chaque fois qu’il est interrogé.

Des photos, des amitiés, une préface, une pétition : il est vrai que rien de tout ça ne permet de démontrer que Yann Moix serait un partisan d’extrême-droite. Mais force est de constater que l’ensemble de ces liens montrent à minima une proximité troublante parce que récurrente avec l’extrême droite française.

Un soutien sans faille à la colonisation israélienne

 
Mais quel que soit ses liens d’amitié, reconnaissons quelque chose à Yann Moix : on ne peut avancer aucune preuve du fait que celui-ci soit antisémite. Au contraire, ses écrits et ses positions vont plutôt à l’inverse : celui-ci est, comme il aime à le présenter, « philosémite ». S’il n’a aucune attache de naissance, c’est au cours de sa vie que celui-ci s’est passionné pour la religion juive. Il dit étudier le Talmud. On a même pu le voir avec une kippa sur un plateau en Janvier 2016 par « solidarité » après l’attaque à la machette perpétrée à Marseille contre un enseignant juif.

Cela pourrait paraitre être un détail. Et ça l’est d’ailleurs, jusqu’ici. Tout au plus pourrions-nous faire remarquer qu’être passionné par la religion, quelle qu’elle soit par ailleurs, conduit souvent à développer des vues réactionnaires. Mais ce qui est plus inquiétant, en revanche, c’est quand celui-ci met des mots sur sa passion. Dans un texte nommé « l’Apprenti Juif », paru en 2007, il se livre à un véritable éloge de la religion juive. On peut y voir une longue prose mystique, qu’on croirait par instant sortie du Moyen-Âge, qui cherche à opposer une pseudo-identité juive à une identité catholique. Une vision qu’il cherche à présenter comme rompant avec tous les dogmes religieux, et même de Dieu, mais qui se résume par un essentialisme grossier, qui flirte bon avec le racialisme.

Et au milieu du texte, il y a cette phrase, limpide : « Être juif est un état d’esprit. Israël est un État d’esprit. » Dès lors, on comprend. Yann Moix n’est pas juste un passionné de la religion juive, mais bien toute autre chose, un fanatique qui défend l’identité raciale de l’Etat israélien. D’ailleurs, celui-ci n’hésite pas à soutenir la colonisation israélienne, aux côtés et avec les mêmes arguments que l’extrême droite israélienne. Comme ce 18 octobre 2015 où Yann Moix participait à une manifestation de défense de la colonisation devant l’ambassade israélienne à Paris. Pour preuve, cette vidéo qui circule sur Internet où l’on peut le voir, visiblement gêné d’intervenir publiquement, prononcer ces quelques mots : « Je vais être court. Vous n’êtes pas seuls »*. Dans l’assistance, des drapeaux israéliens bien sûr, mais aussi ceux de la Ligue de Défense Juive (LDJ), une organisation d’extrême droite connue pour ses méthodes particulièrement violentes et interdite aux Etats Unis.

Le spectre de la haine raciale

 
Dès lors, on comprend mieux les fréquentations « anciennes » de Yann Moix. Celui-ci a beau jeu de dénoncer l’antisémitisme et l’extrême droite, il partage bien quelque chose avec les idéologues racialistes. Entre l’extrême-droite française plus « traditionnelle », antisémite et l’extrême-droite israélienne, il y a bien ce quelque chose de commun : celui-ci de chercher à diviser la société entre races, de voir le monde à travers ces lunettes de l’identité raciale. D’ailleurs, sur le terrain, les alliances entre l’extrême droite antisémite (type Action Française) et pro-israélienne (type LDJ) ne sont pas rares.

Cette haine raciale, caractéristique de l’extrême droite, Yann Moix flirte dangereusement avec, comme vient le rappeler cette tribune sortie en 2007, où il dénonçait la sortie d’un film sur la cause palestinienne par le réseau Utopia :

« Croyant défendre la cause palestinienne, ils exacerbent en réalité la haine des Israéliens ; dans leur misérable shaker intellectuel, où leurs idéologies ressemblent à leurs fromages qui puent, ces alter-bobos-mondialistes utopisés, inventent chaque jour, avec un vieux Tee-shirt « Sauvons le Larzac » très délavé, le visage nouveau de l’antisémitisme contemporain : celui des babas cools inoffensifs et intellos, cinéphiles et idiots, qui en voulant défendre des victimes réelles, définissent une manière inédite de vouloir, une fois encore et comme d’habitude, en finir avec tout ce qui est juif dans l’économie du monde.  »

« Alter-bobos-mondialistes utopisés  », «  babas cools inoffensifs et intellos, cinéphiles et idiots  » : un registre caractéristique de la rhétorique haineuse d’extrême droite pour laquelle celui-ci sera d’ailleurs condamné. Sans compter la déqualification systématique de la lutte contre l’apartheid israélien au nom de la lutte contre l’antisémite, ou pour le dire autrement, la justification de la colonisation israélienne au nom de « l’antiracisme » : argument typique de l’extrême droite israélienne.

Dès lors, au vu de tous ces éléments, on comprend mieux la haine difficilement contenue que suscite pour Yann Moix chaque apparition de Poutou sur son plateau télé. Cette haine, c’est celle envers un candidat qui dénonce la colonisation israélienne aussi bien que l’antisémitisme puant de l’extrême droite. Un candidat qui défend l’ouverture des frontières et combat toutes les formes de racisme. Un candidat ouvrier qui veut défendre l’unité de sa classe sociale contre celle qui dirige et nous exploite. Un candidat, enfin, qui combat les préjugés raciaux que cherche à nous imposer ce système et ses classes dominantes par l’intermédiaire de ces chiens de garde. Ce rôle de gardien du système capitaliste, fait d’oppression et d’exploitation, Yann Moix l’incarne à merveille, si bien d’ailleurs que du côté d’ « On n’est pas couchés », on semble prêts à oublier son parcours sulfureux. Comme l’un de ses prédécesseurs, Eric Zemmour, connu lui aussi pour ses proximités avec les thèses les plus réactionnaires. Des recrutements qui en disent long sur les critères de ce système médiatique définitivement au service des puissants.

* La seule version de cette vidéo étant diffusée par des réseaux d’extrême-droite, nous avons choisi de ne pas la relayer pour ne pas leur faire de pub. Cependant, celle-ci est trouvable et visionnable facilement sur Internet.


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