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Crise sanitaire

« Nous serons contraints de faire un tri des patients » ou la conséquence de la politique criminelle du gouvernement

Alors que Macron estime qu’il n’a « aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun constat d’échec » quant à sa gestion de la crise sanitaire, des directeurs et médecins de l’AP-HP s'annoncent « contraints de faire un tri des patients » en raison du manque de moyens dans les hôpitaux face à la troisième vague de Covid. Une actualité tragique, reflet de la gestion de crise criminelle du gouvernement.

Gabriella Manouchki

30 mars 2021

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Crédit Photo : ALAIN JOCARD / AFP

Près de 5 000 patients en réanimation, le pic de la deuxième vague dépassé

Ce lundi, d’après l’AFP, le pic de la deuxième vague de Covid a été dépassé. Avec la propagation du variant britannique, plus rapide que la souche originale, les services de santé sont d’ores et déjà saturés dans les départements les plus touchés, comme en Île-de-France où ce jeudi, « les lits de réanimation disponibles s’arrachaient en quelques minutes », d’après le collectif de soignants dans la tribune du Monde. De plus, les soignants affirment que les patients admis en réanimation sont de plus en plus jeunes et sévèrement atteints, sous l’effet de la mutation du virus, le variant dit britannique, plus létal. Dans les écoles, on assiste en ce début de semaine à une multiplication des classes maintenues ouvertes malgré le fait que de nombreux enseignants contaminés du Covid-19 soient contraints de s’absenter. « Dans les quinze prochains jours, les contaminations ayant déjà eu lieu, nous avons une quasi-certitude sur le nombre de lits de soins critiques qui seront nécessaires et nous savons d’ores et déjà que nos capacités de prise en charge seront dépassées au terme de cette période. […] Nous n’avons jamais connu une telle situation, même pendant les pires attentats subis ces dernières années. », affirment 41 directeurs de l’AP-HP dans la tribune du Journal du Dimanche.

Autrement dit, au vu du manque de moyens investis dans les services publics de santé mais aussi dans l’éducation nationale, la situation est en train de dégénérer. Cet état de fait était largement prévisible, et annoncé par de nombreux spécialistes depuis le début de l’année.

« Nous serons contraints de faire un tri des patients », le cri de détresse des directeurs et médecins de l’AP-HP

Dans les deux tribunes, les directeurs ainsi qu’un collectif de médecins de l’AP-HP expliquent la situation déjà tragique à laquelle les soignants doivent faire face, alors même que le virus poursuit ses ravages. Dans les deux textes, il apparaît que la gestion de la crise par le gouvernement contraint les soignants à adopter une stratégie de « tri » des patients, au détriment de la population et au prix d’un grand sacrifice éthique et psychologique.

En effet, d’après le collectif de médecins, le manque de moyens structurel dans les hôpitaux conjugué à des mesures de restrictions sanitaires incohérentes et inefficaces impose trois options aux soignants, la dernière étant amenée à se généraliser : le transfert de patients, la déprogrammation d’opérations et le tri des patients.

Pour ce qui est de la première option, elle est compromise à l’heure actuelle, comment l’expliquent les médecins : « Efficace ponctuellement lors de la première vague, cette solution n’a pu être mise en œuvre que très marginalement lors de cette troisième vague, notamment parce que les patients sont atteints de façon plus sévère et sont donc intransportables. De plus, leurs proches sont devenus extrêmement réticents à ces transferts, considérant qu’ils n’ont pas à faire les frais d’une politique sanitaire qu’ils jugent défaillante. ».

La pratique de la déprogrammation, due à la réquisition de personnel des blocs opératoires chargés des opérations courantes pour gérer les réanimations de patients atteints du Covid, a des conséquences désastreuses. Pour les médecins, en demandant aux hôpitaux de déprogrammer 40% et jusqu’à 70% des interventions chirurgicales, « le gouvernement entérine une stratégie de priorisation qui ne dit pas son nom et qui consiste à privilégier les malades du Covid-19 au détriment des autres.  » De fait : « Pour chaque patient Covid soigné durant une quinzaine de jours dans un de ces lits « éphémères » [ajoutés pour faire face à la pandémie], on estime qu’environ 150 patients ne seront pas opérés. Si certaines interventions peuvent attendre, d’autres le peuvent moins, notamment la chirurgie du cœur ou celle des cancers. En 2020, du fait de la forte déprogrammation, environ un tiers des cancers digestifs n’ont pas été diagnostiqués à temps, ce qui constitue, pour les patients concernés, une véritable perte de chance.. Si, comme le soulignent les directeurs de l’AP-HP, ces déprogrammations « vont devoir s’intensifier dans les jours qui viennent, n’épargnant bientôt plus que les urgences vitales », elles ne pourront à elles seules entériner la situation.

Ainsi, les soignants expliquent que le tri des patients sera amené à se généraliser dans les jours et les semaines à venir. « [Cela] consiste, lorsqu’il ne reste qu’un seul lit de réanimation disponible mais que deux patients peuvent en bénéficier, à décider lequel sera admis (et survivra peut-être) et lequel ne sera pas admis (et mourra assez probablement). C’est bien vers cela que nous nous dirigeons. ». Le collectif de médecins souligne les « séquelles psychiques » que cela implique pour les soignants.

Un constat accablant pour le gouvernement

Si la tribune des directeurs de l’AP-HP se limite à mettre en lumière la « discordance flagrante entre les besoins et les ressources disponibles », celle des médecins interpelle directement le gouvernement, dont la responsabilité est claire dans cette situation tragique : « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre et quel patient doit mourir, sans l’afficher clairement, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite. […] Le gouvernement a choisi une stratégie et il doit en assumer les arbitrages devant la société tout entière. En la matière, il se doit de prendre la responsabilité des conséquences de sa stratégie. »

En effet, au delà du fait que le gouvernement est le premier responsable de par sa stratégie de la situation sanitaire actuelle devenu hors de contrôle, c’est un autre scandale qui s’illustre une nouvelle fois un an après le début de la pandémie : encore une fois, le manque structurel de moyens contraint aujourd’hui les soignants à trier les patients. Pourtant ce manque de moyens n’a rien d’une fatalité. Il découle directement de la casse sociale des services publics, organisée par les différents gouvernements qui se sont succédés, et dont le parachèvement constitue l’objectif principal de la macronie.

Cette situation plus générale est à inscrire dans ce qui fait le logiciel du gouvernement à savoir des mesures sanitaires qui sont en définitive le reflet d’une priorisation par le gouvernement d’objectifs économiques, au détriment de nos vies. Or, depuis quelques mois, c’est une autre inconnue dans l’équation qui prend un poids de plus en plus important, celui des élections présidentielles.

Résolu à maintenir le récit d’une gestion efficiente de la crise sanitaire pour « sauver » le bilan de son mandat en vue des élections présidentielles, ce dernier a osé affirmer ce dimanche : « Je peux vous le dire : nous avons eu raison de ne pas reconfiner la France à la fin du mois de janvier parce qu’il n’y a pas eu l’explosion qui était prévue par tous les modèles […] Je peux vous affirmer que je n’ai aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun constat d’échec. » Dans la même veine, le président des députés de la majorité et ex-ministre de l’Intérieur, Castaner, a quant à lui récemment déclaré que « le sanitaire est la priorité nationale ». Dans le même temps, Blanquer défend contre vents et marées le maintien de l’ouverture des écoles dans un tweet des plus révoltants.

Au-delà du discours, le gouvernement est aujourd’hui mis face au mur par cette accélération de la crise sanitaire qui, contrairement à ce qu’a défendu Macron ces dernières semaines, ne pourra pas à court-terme être endiguée par une « stratégie vaccinale » qui reste encore à construire. D’un côté, en l’absence de réelles mesures sanitaires, et d’une stratégie de prévention, prise largement en amont, le risque d’un débordement des hôpitaux devient de plus en plus probable. De l’autre, le grand patronat fait pression pour obtenir du gouvernement les conditions qui lui seront les plus profitables, même si cela implique une véritable hécatombe, tandis que la défiance face aux mesures liberticides et répressives est grandissante, résultat de la politique catastrophique du gouvernement. C’est en jonglant avec tous ces éléments que le chef de l’État devra poursuivre son numéro d’équilibriste dans les jours à venir, un conseil de défense étant programmé pour ce mercredi 31 mars et l’annonce de nouvelles mesures en milieu de semaine n’étant pas exclue, d’après Le Monde.

Le gouvernement est le premier responsable de cette situation inextricable où l’épidémie est une nouvelle fois hors de contrôle. Si pour éviter le débordement des hôpitaux, il nous faudra bien briser de manière importante les chaines de contamination, ce sera non seulement en dénonçant la stratégie sanitaire globale du gouvernement mais surtout l’ensemble des mesures répressives. Le plus urgent reste cependant que pour imposer notre propre issue à la crise, il nous faudra reprendre nos affaires en main.


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