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Asie du Sud-est

Myanmar. De plus en plus d’actions armées contre les militaires

Le mouvement de résistance contre la dictature se combine maintenant avec des actions armées et des attaques contre les fonctionnaires et membres de la junte.

Philippe Alcoy

6 mai 2021

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Ces derniers jours plusieurs incidents armés ont été signalés entre les forces de l’armée et des individus non identifiés ou des armées ethniques rebelles. Ces attaques, qui selon les opposants à la junte ont coûté la vie à des dizaines (voire des centaines) de soldats de l’armée myanmaraise, s’inscrivent dans une dynamique de guerre civile.

En effet, en avril dernier un Gouvernement d’Union Nationale (GUN) rassemblant des députés élus de la Ligue Nationale pour la Démocratie, des activistes contre le coup d’Etat et des membres des organisations des minorités nationales. Celui-ci entend disputer la légitimité politique au gouvernement des militaires et maintenant il vient d’annoncer la création de sa propre milice : la Force de Défense du Peuple (FDP). Celle-ci entend mettre fin à la violence des militaires contre les populations civiles qui se manifestent contre la dictature mais surtout elle prétend être un premier pas vers la création d’une Armée Fédérale incluant les armées ethniques rebelles. Cependant, pour le moment on n’a pas donné plus de détails sur cette force.

Parallèlement, des informations arrivent sur des attaques de plus en plus nombreuses contre des membres des forces armées, de la police et de fonctionnaires du gouvernement militaire. Ainsi, ce jeudi ont été rapportés trois assassinats de fonctionnaires nommés par la junte dans trois villes différentes (Yangon, Mandalay et Sagaing) par des individus non identifiés. « Les administrateurs de quartiers nouvellement nommés et les informateurs de la police sont de plus en plus souvent visés pour leur collaboration avec la junte lors de l’arrestation de manifestants hostiles au régime, de fonctionnaires en grève et d’autres civils s’opposant au régime militaire », écrit The Irrawaddy. En même temps, des commissariats et des bureaux du régime sont de plus en plus visés par des attaques aux bombes artisanales et aux cocktails Molotov.

L’armée de son côté n’hésite pas à s’attaquer aux populations civiles dans les quartiers et villages à la recherche d’armes et d’opposants. Certains dénoncent des tortures et des coups de la part des militaires, qui cherchent à les « punir » pour leur soutien à la résistance.

Mercredi dernier un autre incident a eu lieu, avec des possibles implications plus importantes. Des gardes ont été tués encore une fois par un groupe d’individus non-identifiés qui ont utilisé des machettes. Mais la particularité de cette attaque c’est qu’elle a eu lieu dans une station gazière par où passe le double pipeline chinois transportant du gaz et du pétrole depuis la côté ouest myanmaraise jusqu’à la Chine.

La Chine est l’un des pays les plus intéressés à maintenir la stabilité au Myanmar. En effet, Pékin a beaucoup d’investissements dans le pays, un grand volume d’échanges commerciaux avec le pays (16 millions de dollars par jour) et surtout des projets que la Chine considère stratégiques pour sa politique phare, l’Initiative de la Nouvelle Route de la Soie. Parmi ces projets se trouve précisément ce double pipeline de 800 kilomètre amenant du gaz et du pétrole au territoire chinois.

Bien que lors de cette attaque les pipelines n’ont pas été touchés, il s’agit sans doute d’un avertissement. Le sentiment antichinois est de plus en plus fort dans le pays, notamment en raison du soutien de Pékin aux militaires. En réalité la Chine a de bons rapports avec les militaires mais elle les a eus avec le gouvernement de la LND de Aung San Suu Kyi aussi. La Chine soutient ceux qui lui garantissent la stabilité et la sauvegarde de ses investissements. Pour le moment, elle soutient les militaires, mais si la situation venait à changer en faveur de l’opposition, nous ne pouvons pas écarter un retournement dans l’attitude de Pékin. Il ne faut pas oublier que la Chine a su financer et utiliser les armées ethniques rebelles contre les militaires pour arriver à ses fins.

Justement, l’autre facteur que l’on doit mentionner ici ce sont les combats de plus ne plus forts entre l’armée myanmaraise et les armées rebelles. L’Armée de Libération Nationale Karen, à l’est du pays, a ainsi déclaré avoir tué près de 200 soldats du régime. De leur côté les forces de l’Alliance du Nord ont déclaré avoir tué des « dizaines » de soldats de la junte au nord du pays dans l’Etat de Shan. Autrement dit, les militaires ne font pas seulement face à la résistance populaire, à un mouvement de grève qui perdure, mais aussi à des attaques armées de plus en plus dures de la part d’individus non-identifiés mais aussi de la part des armées ethniques qui n’hésitent plus à mener des actions coordonnées.

Le Gouvernement d’Union Nationale a une orientation politique complètement bourgeoise. Les membres de la LND qui forment la majorité en son sein, ont mené une politique de conciliation avec les militaires, anti-ouvrière et hostile à l’égard des minorités nationales quand ils étaient au pouvoir. Aujourd’hui ses membres sont conscients qu’ils ont besoin des travailleurs et du soutien du mouvement de désobéissance civile (CDM). C’est pour cela que « le GUN considère le CDM comme une priorité absolue et la manière de soutenir les fonctionnaires en grève est à l’ordre du jour de chaque réunion du GUN depuis sa formation le 16 avril », a ainsi déclaré le ministre du travail du GUN, Nai Thuwunna.

Les travailleurs, la jeunesse et les membres des minorités nationales qui sont en train de se battre héroïquement aujourd’hui contre les militaires pourraient se trouver dans une impasse s’ils ne sont pas capables de construire une direction alternative et indépendante de celle du GUN.


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