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Gestion de la crise sanitaire

LREM dissout la commission parlementaire qui critiquait la gestion de la crise par le gouvernement

Les députés LREM ont profité de leur majorité pour dissoudre la commission de l'Assemblée nationale qui suivait la gestion de la crise sanitaire et avait déjà mis en cause le gouvernement. Une mesure anti-démocratique qui va dans le sens d'une gestion autoritaire et opaque de la crise.

Anna Ky

28 janvier 2021

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Crédit photo : capture d’écran Public Sénat

En juin dernier, un rapport d’information présenté par Richard Ferrand, président LREM de l’Assemblée, stipulait notamment que : « Au regard de l’ampleur des conséquences de la catastrophe sanitaire sur l’organisation et le fonctionnement des entreprises, […] il sera utile que la mission utilise ses prérogatives de commission d’enquête pour examiner les réponses apportées aux besoins des entreprises tout au long de la crise. »

Cette commission d’enquête de l’Assemblée nationale créée en mars dernier pour permettre un « suivi renforcé de la gestion de la crise sanitaire » a pourtant été dissoute par les députés de la majorité présidentielle le mercredi 25 janvier, alors que le nombre de morts liés à la pandémie n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui à l’échelle mondiale.

Cette commission d’enquête avait notamment mis en cause la gestion catastrophique de la crise, dans un rapport publié en décembre, et s’était en particulier attardée sur la catastrophe que constituait la pénurie de masques au printemps dernier. Le rapporteur de ce dernier rapport, qui n’était autre qu’Eric Ciotti (député Les Républicains), avait notamment demandé une audition d’Olivier Véran, ministre de la Santé.

Mais en guise de réponse à cette requête de l’opposition, les députés LREM ont convoqué une réunion de la commission d’enquête ce mercredi et, profitant de leur majorité, ont voté sa dissolution. Sa durée d’existence était pourtant sensée être indexée sur l’état d’urgence sanitaire prolongée jusqu’à juin 2021, et l’annonce de cette dissolution express a suscité de vives réactions du côté de l’opposition, à droite comme à gauche.

Damien Abad, patron des députés LR, a dénoncé un « naufrage démocratique totalement surréaliste [...] irrespectueux des droits du Parlement » selon l’Express.

« Ça n’était même pas inscrit à l’ordre du jour, rapporte Pierre Dharréville, député communiste, auprès de Mediapart. C’est un outil qui permettait à l’Assemblée nationale d’exercer son pouvoir de contrôle. Face à un gouvernement qui décide seul, cette mission permettait au moins cela. »

Même son de cloche du côté du député insoumis Eric Coquerel, qui déclare aux journalistes de Mediapart : « C’est sidérant. C’est la quintessence de ce gouvernement et de sa majorité. S’ils voulaient montrer qu’ils n’ont pas envie d’être contrôlés et que le Parlement est juste une chambre d’enregistrement, ils ne s’y prendraient pas autrement. On n’a déjà pas de débat digne de ce nom à l’Assemblée, voilà qu’on nous enlève l’outil qui nous permettait encore de contrôler leur action ! »

Comble de l’ironie, alors que la commission d’enquête de l’Assemblée était dissoute, le Sénat se dotait dans le même temps d’une nouvelle mission d’information, destinée à évaluer la gestion de la crise sanitaire et ses effets.

Et de toute évidence, ce mépris de la macronie pour la seule institution nationale constituée d’élus au suffrage direct ne passe pas. Y compris au sein de la majorité. Mediapart rapporte notamment une intervention d’Agnès Firmin le Bodo, députée du groupe Agir ensemble, au cours de la réunion qui a acté la dissolution de la commission de l’Assemblée : « Je comprends les arguments du président : une mission, ça a un début et une fin. A partir du moment où un rapport a été rendu, je peux entendre que la mission soit arrêtée. Ce qui me gêne, c’est que rien ne la remplace. J’aurais voulu que le président s’engage à cela. »

Pour se justifier, les macronistes arguent que ce type de commission est temporaire, et que les commissions permanentes de l’Assemblée assurent d’ores et déjà un suivi de la gestion de la crise. « C’est le cinéma habituel des oppositions, qui ont souvent utilisé cette commission comme une scène politicienne. Les commissions d’enquête et missions d’information sont temporaires, c’est la vie parlementaire » a ainsi décrété Christophe Castaner, patron des députés LREM.

Mais quoi qu’en dise la majorité, la décision prise unilatéralement par les députés LREM de dissoudre cette mission d’information va dans le sens d’une concentration des pouvoirs et des prérogatives de l’exécutif quant à la crise sanitaire. Cela intervient dans la continuité de la pérennisation du conseil de défense, qui réunit quelques membres du gouvernement soigneusement sélectionné par Emmanuel Macron, pour gérer la crise. Un organe qui a peu à peu supplanté le conseil des ministres, dont chaque séance est rendue publique, contrairement aux réunions du conseil de défense qui se tiennent dans l’opacité la plus totale.

En définitive, cette nouvelle offensive de la macronie tend à renforcer les traits les plus anti-démocratiques de la Ve République. Le gouvernement continue sur la voie du tout-répressif pour répondre à la crise sanitaire, au détriment de mesures véritablement efficaces, à commencer par un investissement massif dans le système de santé.


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