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Chasse aux sorcières

« Islamogauchisme ». 600 universitaires pris pour cible par l’extrême droite : la chasse aux sorcières continue

La chasse aux sorcières menée contre les enseignants accusés d’« islamogauchisme » à l’université depuis plusieurs semaines, initiée par le gouvernement, se prolonge aujourd’hui sur le terrain de l’extrême droite.

Lili Krib

10 mars 2021

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crédit photo : DAMIEN MEYER / AFP

« Islamogauchisme » à l’université : LREM main dans la main avec l’extrême droite

En octobre 2020, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, déclarait sur Europe 1 que dans les universités, existerait un « islamogauchisme » qui ferait des « ravages ». Ses propos s’inscrivaient alors dans la droite lignée de l’offensive islamophobe menée par le gouvernement qui justifiait dans la période sa politique réactionnaire en instrumentalisant l’assassinat de Samuel Paty.

Quelques mois plus tard, en février 2021, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, reprenait le flambeau de cette attaque portée contre le monde académique en assurant à son tour sur CNews que « l’islamogauchisme gangrène la société » et que « l’université [n’y] est pas imperméable ». Elle avait annoncé par la même occasion vouloir lancer une enquête sur l’islamogauchisme à l’université qu’elle souhaitait confier au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) via l’alliance Athéna, spécialisée dans la recherche publique en sciences humaines et sociales. Le CNRS avait, en réaction, communiqué son rejet de toute enquête sur le sujet, expliquant par ailleurs que « l’« islamogauchisme » n’est pas une réalité scientifique » et « [condamnant] avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques […] en particulier, les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance ».

Des chercheurs pris pour cible par l’extrême-droite : le CNRS porte plainte

En outre, plus de 600 universitaires et chercheurs avaient publié le 20 février dans Le Monde une tribune appelant à la démission de Frédérique Vidal. La liste exhaustive des signataires avait été rediffusée le lendemain sur un blog proche de l’extrême droite sous le titre « Liste des 600 gauchistes (et quelques autres) complices de l’islam radical qui pourrissent l’université et la France ». En réaction, le 5 mars dernier le CNRS communiquait pour « [condamner] avec la plus grande fermeté ces méthodes [de publication des noms sur ce site] » et déclarait avoir « décidé de saisir le Procureur de la République de ces faits ».

Une chasse aux sorcières islamophobe

Cette chasse aux sorcières dans le milieu universitaire, introduite et promue à de multiples reprises par les ministres de LREM, se poursuit sur le terrain de l’extrême droite qui s’enthousiasme de voir son discours réactionnaire repris et légitimé par le gouvernement Macron. Quand les enseignants du supérieur traitent des questions raciales ou intersectionnelles, ou que paraissent des travaux de chercheurs sur le sujet - très minoritaires sur l’ensemble des publications en sociologie - le gouvernement crie à la radicalisation et à la complicité avec l’islamisme. Ce musellement des études révélant la réalité et le caractère institutionnel des discriminations raciales ou de genre et l’atteinte portée aux libertés académiques contrastent fortement avec le traitement réservé aux professeurs, accusés dans le cadre de leurs enseignements, d’avoir proféré des propos islamophobes. C’est le cas à Science Po Grenoble où deux d’entre eux, connus pour leurs positions réactionnaires, ont été placés sous protection ce 8 mars par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Cette mesure fait suite à l’envoi, par l’un des deux professeurs, d’un mail à l’ensemble de ses étudiants stipulant que ceux syndiqués à l’Union syndicale sont priés « de quitter immédiatement ses cours et de ne jamais y remettre les pieds », car il se serait senti menacé par le collectif militant, à l’initiative d’une enquête sur l’islamophobie au sein de l’IEP.

Par ailleurs, cette emphase autour d’un prétendu islamogauchisme qui entacherait le milieu universitaire et serait allié de l’islam radical est un moyen pour le gouvernement de cacher la situation dramatique de l’enseignement supérieur, quand les étudiants subissent de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire et économique et que le statut de nombreux enseignants est extrêmement précaire. Contre l’offensive réactionnaire et islamophobe du gouvernement qui n’a que faire des besoins criants de la jeunesse, il est nécessaire de nous organiser et de construire un mouvement de taille alliant étudiants et travailleurs de l’université pour imposer nos revendications.


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