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Un candidat made in PS

Benoît Hamon, comment faire du neuf avec du vieux ?

Il est rentré au Parti socialiste en 1986. Il a lutté contre le projet de loi Devaquet. Il commence à Brest, il est membre des clubs Forum, la jeunesse rocardienne, groupe présidé à l’époque par un certain Manuel Valls. Maintenant, ils s’affrontent à la primaire de gauche, mais ce n’est pas le seul allié d’hier qu’Hamon combat aujourd’hui. Si, selon les sondages, il arrive à cette place hypothétique de finaliste, celui qui essaye de donner une « teinte » de « gauche » au PS n’est pas arrivé ici par hasard. Trahison, apparatchik du PS, ancien dirigeant des MJS, petit portrait caustique de Benoît Hamon. Sadek Basnacki

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La genèse

En 1992, Michel Rocard, premier secrétaire du PS, donne, pour tenter d’insuffler une nouvelle génération dans le Parti socialiste, l’indépendance à la jeunesse socialiste vis-à-vis du parti. Benoît Hamon, 26ans, à cette époque rocardien, se fait élire président en faisant repousser l’âge limite de candidature, passant donc de 25ans à 29ans.
Ses compétences de bureaucrate au sein des MJS le font sortir du lot. Entre 1994 et 1997, il est le conseiller pour la jeunesse auprès de Jospin alors premier secrétaire du PS. Il entre ensuite au cabinet de Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, comme conseiller technique chargé de l’emploi des jeunes entre 1997 et 1998, puis comme conseiller chargé des affaires politiques jusqu’en 2000. Il se présente aux législatives de 1997 dans le Morbihan où il est battu par le candidat centriste. Il sera catapulté dans d’autres circonscriptions. En 2001, il devient conseiller municipal de Brétigny-sur-Orge dans l’Essonne jusqu’en 2008. Arnaud Montebourg se rapproche de lui et avec, entre autres, Emmanuelli, Filoche, Peillon, Mélenchon, ils fondent le Nouveau Parti socialiste, tendance de gauche au sein du PS opposé au social-libéralisme. Hamon en devient porte-parole. En 2004, Montebourg le place sur une liste du Grand-Est aux européennes et devient ainsi eurodéputé jusqu’en 2009.

Petite trahison entre amis

Chez les politiques professionnels, il ne faut pas être particulièrement rancunier ! Fillon et Sarko en sont un exemple mais Hamon et Montebourg en sont un autre.
En 2005, lors du congrès du Mans, il se rapproche secrètement d’Emmanuelli et Peillon afin de mettre Montebourg en minorité et ainsi intégrer la majorité du premier secrétaire du parti, François Hollande. « Ils nous veulent avec eux, ne refusons pas la main tendue », avait soutenu Hamon lors du congrès. Lui qui dirige les MJS, il les fait venir en masse afin de mettre des coups de pression sur les montebourgeois. Chaque intervention est copieusement huée, des boulettes de papiers jetées sur l’intervenant. Hamon met lui-même la main à la pâte puisqu’il a mis plusieurs fois la pression pour empêcher des votes. « Dès que je demandais un vote, il me regardait avec l’index au niveau de son cou, pour mimer une guillotine. C’était de l’intimidation », se rappelle Michaël Moglia, ex-conseiller régional PS. Les votes reposeront sur les délégués seulement, délégués du courant, majoritairement pro-Hamon et Peillon. Hamon serait venu faire gentiment remarquer à Montebourg que celui-ci avait perdu, « t’es minoritaire, t’es mino », se narguait-il alors. Montebourg sortira très affaibli du congrès contrairement à Hamon qui deviendra quelques semaines plus tard, secrétaire national aux affaires européennes. En politique, manœuvres et tractation d’appareil payent toujours.

L’avant-dernière marche ?

En 2008, il se présente afin de devenir le premier secrétaire du Parti socialiste. L’occupant de ce poste est généralement le futur présidentiable. Sa motion termine 4e avec 18,52 % derrière celle de Ségolène Royal et Vincent Peillon 29,08 %, celle de Bertrand Delanoë 25,24 % et celle de Martine Aubry 24,32 %. Avec ce score, il décide de poursuivre sa quête. Il obtient 22,6 % des voix lors du premier tour du vote et arrive en 3e position, derrière Martine Aubry et Ségolène Royal. Il demande aux militants ayant voté pour lui de voter massivement pour Aubry au second tour. Ce ralliement lui permettra d’être nommé porte-parole du parti par la nouvelle première secrétaire du Parti socialiste… Martine Aubry.
En 2010, alors qu’il n’occupe plus de poste, il est parachuté dans les Yvelines. Il sera élu conseiller régional d’Île-de-France, qu’il ne rejoindra qu’en 2012. La même année, il est nommé ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire auprès de Pierre Moscovici, ministre de l’Économie dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. En 2013, avec Valls et Montebourg, il fomente une rébellion dans le gouvernement afin d’écarter Jean-Marc Ayrault. Ayrault tombe, Valls le remplace, Montebourg devient ministre de l’Économie et Hamon ministre de l’Éducation.
Hamon a pu asseoir, au fil des années, sa main mise sur les MJS et donc l’UNEF. «  Il place les uns et les autres sur des listes ou dans des cabinets, notamment locaux  », explique l’ex-eurodéputé Liêm Hoang-Ngoc. Cela lui sera très utile en tant que ministre de l’Éducation afin de contrôler le milieu étudiant et professoral, notamment pour calmer le mécontentement suite à la volonté de réformer les rythmes scolaires tant voulue par Peillon. Il occupera pourtant son poste que 146 jours, puisque lui et Montebourg sont écartés du gouvernement après s’être « opposés » à la politique menée. Début 2015, il s’oppose dans la forme avec d’autres députés au projet de loi Macron ainsi qu’à l’inscription dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les Français binationaux. Pourtant, lorsqu’il était temps de passer concrètement aux actes, Hamon, l’un de ces chefs de file des « frondeurs », finissait à deux voix près par échouer aujourd’hui à rassembler les 58 signatures nécessaires pour faire voter une motion de censure « de gauche » pour faire tomber le gouvernement…

La primaire

Hamon 28 %, Valls 28 %, c’est le dernier sondage pour les intentions de vote à la primaire. Sur fond de détestation de Valls, Benoît Hamon est aujourd’hui avec Montebourg en lice pour le second tour et peut espérer si c’est le cas être le présidentiable pour le PS.

Après 25 années de combines et de manœuvres d’appareil, Hamon est donc très proche du sommet du PS, mais, malheureusement pour lui, d’un PS en pleine pasokisation. Lui qui a dit que l’« image sectaire, d’homme d’appareil, [lui] colle aux fesses  » et avoue lui-même qu’il n’a « fait que ça » jusqu’en 2012, tente de nous jouer la carte du « j’ai changé » comme Sarkozy ou bien comme Valls qui essaye de faire de même avec la découverte du caractère autoritaire du 49.3 et qui essaye de se faire passer pour un « homme de gauche ». Lui qui était « un lignard », toujours selon lui, essaye de nous faire croire qu’il s’est affranchi de son suivisme et de son opportunisme. Pourtant, c’est tout le contraire. Le fait même qu’il choisisse le moment où le PS, pilier de la Vème République, soit en crise pour tenter cette aventure présidentielle montre d’une part qu’il a su très bien profiter de la situation, mais aussi le degré de décomposition du PS : l’appareil laisse fuiter les « frondeurs ». Pourtant, la situation pourrait pourtant se retourner contre lui, la force d’attraction de Macron et de Mélenchon pourrait bien bousculer les aspirations de ceux même qui souhaitaient reprendre la main sur les décombres de l’appareil et se poser en reconstructeur.

Hamon, Montebourg ou Valls. Quoiqu’il advienne, indépendamment des programmes qui affichent des teintes plus ou moins « rouges » PS, Hamon s’est forgé dans l’appareil du PS et il y est mouillé jusqu’au cou. Avec Valls, ils sont les deux côtés d’une même pièce. Alors le pourfendeur de la « vieille politique » ne nous bernera pas et peut retourner à ses manœuvres d’appareil, la société n’a pas besoin d’un vautour de plus, même si, il se veut être un peu plus à « gauche » que certains de ses concurrents.


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