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Rassemblements interdits… sauf pour les flics !

Les policiers obtiennent gain de cause : ils pourront de nouveau étrangler

Depuis plusieurs jours, des manifestations de nuit de policiers en service se multiplient, exigeant plus de moyens pour réprimer. Seulement trois manifestations de nuit à quelques centaines auront fait plier le gouvernement : le directeur de la police nationale a expliqué ce lundi que la clé d’étranglement continuerait à être utilisée jusqu’à nouvel ordre.

Enora Lorita

15 juin 2020

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Crédit photo : Thomas SAMSON / AFP

Depuis quelques jours, des manifestations de policiers se multiplient. Dimanche soir, suite aux annonces d’Emmanuel Macron, une centaine de policiers s’est réunie sur l’esplanade du Trocadéro à Paris. En uniforme, souvent cagoulés, sirènes hurlantes et gyrophares allumés, ces derniers se sont pavanés en pleine nuit pour exiger plus de moyens répressifs.

La veille au soir, dans un contexte où près de 120 000 personnes s’étaient réunies à l’appel du Comité Adama pour exiger justice et vérité pour les victimes de violences policières, plusieurs dizaines de fonctionnaires de la BAC de nuit ont également manifesté en pleine nuit. Devant l’Arc de Triomphe, ils ont chanté la Marseillaise, jeté leurs menottes au sol, et bloqué la circulation pendant de longues minutes. Plusieurs d’entre eux portaient notamment des pancartes #PoliceLivesMatter.

Vendredi également, quelques dizaines de fonctionnaires de police ont manifesté des Champs Elysées jusqu’au Ministère de l’Intérieur, à l’appel du syndicat Alliance, klaxonnant et chantant « pas de police, pas de paix ». Ces trois manifestations auront fini par payer puisque ce lundi le directeur de la police nationale, Frédéric Veaux, a annoncé dans une note que la technique de la clé d’étranglement serait utilisée et ce jusqu’à qu’un groupe de travail soit mis en place et rende ses conclusions.

Interdiction des rassemblements : sauf pour les flics !

Tandis que le rassemblement contre les violences policières le 2 juin avait été interdit par le préfet de Paris, et que la nouvelle manifestation à l’appel du Comité Adama du 13 juin n’a pas pu quitter la Place de la République, les policiers peuvent manifester comme bon leur semble comme l’illustre notamment leur défilé sur les Champs Elysée vendredi 12 juin.

Comme le soulignait ironiquement Anasse Kazib au micro de Révolution Permanente lors du rassemblement de samedi Place de la République, « C’est dommage que ce ne soit pas Alliance ou SGP-Police qui ont appelé, on aurait pu manifester, peut-être même rentrer dans l’Élysée ... Il n’y aura aucune verité, ni justice avec ce gouvernement bourgeois ».

Cette différence de traitement est d’autant plus forte que les policiers ne manifestent pas « traditionnellement » : manifestations sauvages de nuit, dans les quartiers les plus bourgeois de la capitale, en service donc armés… La volonté d’intimation est bien là : personne n’aurait envie de croiser une milice pareille au beau milieu de la nuit.

Les revendications : plus de moyens répressifs

Les manifestations de policiers interviennent dans un contexte bien particulier, après que la mort de Georges Floyd aux Etats-Unis a provoqué un mouvement de contestation international contre les violences policières et le racisme systémique.

Une colère qui a traversé l’Atlantique et qui a réuni 120 000 manifestants à Paris ce samedi, et a obligé le gouvernement à se prononcer, notamment sur la technique de répression de l’étranglement. Pour calmer la contestation, Christophe Castaner a notamment annoncé lundi dernier l’abandon de la méthode de l’étranglement par les policiers, avant de préciser le lendemain que le taser, une autre technique répressive tout aussi dangereuse, la substituerait.

Cette déclaration a ouvert une brèche à des discours des plus réactionnaires, notamment chez les forces de police, poussant par exemple un avocat de policier à expliquer sur BFM TV que son client « veut aller interpeller les gens » et « pouvoir les étrangler quand ils luttent ».

Surtout, le point de non-retour critiqué par les syndicats de police est l’annonce de Castaner de « suspension systématique envisagée pour chaque soupçon avéré d’actes ou de propos racistes ». Le gouvernement, marchant sur des œufs, s’est d’ailleurs vite rétracté sur ce point, après avoir reçu les syndicats de police jeudi.

Dans le même sens, Emmanuel Macron a rendu hommage aux forces de répression lors de son discours dimanche soir, appelant à « s’unir autour du patriotisme républicain », et affirmant : « Sans ordre républicain, il n’y a ni sécurité ni liberté. Cet ordre ce sont les policiers et les gendarmes qui l’assurent. C’est pourquoi ils méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la nation. » Une prise de position clairement affichée, alors que ce dernier avait été critiqué sur son silence, mais qui n’a tout de même pas convaincu du côté de la police.

Enfin, ces trois manifestations ultra-minoritaires ont poussé le gouvernement à reculer avec l’annonce du directeur de la police nationale qui a annoncé que les policiers continueront à utiliser la technique d’étranglement. Selon BFMTV, l’entourage du ministre démentirait tout « rétropédalage », mais ne voudrait pas pour autant préciser quand la clé d’étranglement sera définitivement interdite.

Une position également difficile à tenir, alors que la détestation de la police s’accentue, qu’une enquête YouGov pour Le HuffPost révélait début juin qu’un français sur trois ne se sentait pas en sécurité face à la police, et alors que StreetPress révélait le 4 juin dernier l’existence d’un groupe Facebook réunissant des milliers de policiers qui échangeaient des messages racistes et sexistes d’une violences inouïe.

Cette polarisation met donc le gouvernement dans une situation très délicate, avec d’un côté des rassemblements de rue contre les violences policières de plus en plus massifs partout en France, et d’un autre une colère du principal pilier qui les maintient en place face aux épisodes de lutte des classes successifs qui s’intensifient.


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