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Présidentielles 2022

Anasse Kazib : un jeune ouvrier issu de l’immigration à la Présidentielle ?

Le dimanche 4 avril, Anasse Kazib annonçait publiquement sa pré-candidature, soumise au débat du NPA, pour l'élection présidentielle de 2022. Retour sur le sens et les potentialités de cette démarche.

Comité de Rédaction

9 avril 2021

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La Présidentielle 2022 et l’absence d’expression politique de la principale opposition à Macron

La campagne présidentielle de 2022, dont le débat entre Darmanin et Le Pen donnait le coup d’envoi officieux le 11 février dernier, contraste fortement avec les couleurs d’un quinquennat marqué par une très forte contestation populaire, sur la gauche, en opposition à la politique du gouvernement Macron.

De la longue grève contre la réforme ferroviaire au mouvement historique contre la réforme des retraites, en passant par l’irruption spontanée des gilets jaunes et par l’engagement d’une frange de la jeunesse dans les mobilisations antiracistes et en défense du climat, la principale opposition qu’a rencontré Macron a été celle des luttes déterminées de la classe ouvrière et de la jeunesse.

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Pourtant, tel que se dessine aujourd’hui le tableau de l’élection présidentielle, cette puissante opposition risque d’être la grande absente du scrutin, laissant la place à un possible duel Macron-Le Pen, en décalage complet avec les aspirations de la grande majorité des travailleurs et des classes populaires.

En effet, aucun des courants politiques qui se revendiquent de la gauche en dispute aujourd’hui n’incarne réellement cette radicalité que nous avons vu s’exprimer dans la rue, sur les ronds-points et les piquets de grève. Il y a d’un côté, ceux qui prônent un énième retour à l’union de la gauche, entre le PS qui a dirigé en alternance avec la droite les politiques néolibérales depuis 40 ans, et EELV, parfaitement intégré au système et tenant du « capitalisme vert ». De l’autre, la candidature de Mélenchon, oscillant entre défense des institutions républicaines et discours souverainiste de gauche, qui cherche à disputer l’hégémonie à gauche pour canaliser les colères « dans les urnes ». Une logique institutionnelle qui, sur fond de discours populiste visant à diluer le mouvement ouvrier comme secteur social clé, peine à enthousiasmer les acteurs et les soutiens des dernières mobilisations.

Ce n’est donc pas un hasard si, malgré l’intensité de la lutte de classes des dernières années, le très bon score de la FI en 2017 ne s’est pas reflété dans les dernières élections intermédiaires ni, pour le moment, dans les sondages de la présidentielle de 2022.

Une pré-candidature pour porter la voix et la radicalité de nos luttes

La pré-candidature de Anasse Kazib vient précisément tenter de combler ce vide. Fils d’un travailleur chibani de la SNCF et petit-fils d’un tirailleur marocain, il est l’un des visages d’une nouvelle génération ouvrière qui a émergé depuis 2016, au cœur de la lutte des classes.

Cortège de la Coordination RATP-SNCF le 16 janvier 2020

Figure emblématique de la grève des cheminots de 2018 et de la grève contre la réforme des retraites, il a été au-devant d’un combat acharné contre les stratégies perdantes des directions syndicales et pour que ce soit les travailleurs organisés à la base qui décident de chaque pas de leur mouvement, que ce soit au travers des rencontres intergares en 2018 ou de la Coordination RATP-SNCF en 2019-2020.

Lors de l’irruption du mouvement des gilets jaunes, il a été parmi les premiers à témoigner d’une solidarité à l’égard de ce mouvement, en entraînant un cortège de cheminots sur les Champs-Elysées dès le 24 novembre 2018, en organisant le « Pôle Saint-Lazare » aux côtés du Comité Adama ou encore en dénonçant ouvertement la trahison des directions syndicales vis-à-vis de ce mouvement.

AG du Pôle Saint-Lazare avec Assa Traoré le 6 décembre 2018

Sur le plateau des Grandes Gueules, où il a été chroniqueur pendant un peu moins de deux ans, il s’est fait connaître comme une voix révolutionnaire et internationaliste intransigeante, défendant systématiquement les travailleurs, la jeunesse, les militants des quartiers populaires et les gilets jaunes face aux propos réactionnaires qui abondent dans cette émission. Que ce soit aux Grandes Gueules ou dans d’autres émissions, il a à plusieurs reprises mis en difficulté des politiciens professionnels de différents bords, à l’image de son débat avec le ministre des transports Jean-Baptiste Djebarri auquel il a infligé une humiliation en règle, donnant de la force à l’ensemble des grévistes du secteur en lutte contre la réforme des retraites.

La candidature de ce cheminot de 34 ans, permettrait d’incarner en 2022 une orientation révolutionnaire et lutte de classes, indépendante de la gauche de gouvernement, y compris de ses variantes les plus « radicales », et ainsi de faire vivre dans l’élection les acquis de la lutte de classes des dernières années, dans toute leur richesse et variété. Elle permettrait également de porter à large échelle l’idée que les travailleurs doivent prendre leurs affaires en main s’ils ne veulent pas payer la facture de la crise et que, face au bloc bourgeois au pouvoir, il est urgent de construire une alliance ouvrière et populaire des travailleurs et des exploités pour vaincre Macron, Le Pen et les grands capitalistes qui les soutiennent.

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Vote utile ?

Face au danger d’un second tour dominé par la droite et l’extrême-droite, il est compréhensible que des voix se lèvent pour une union de la gauche comme « moindre mal ». Les expériences du passé plus ou moins récents montrent néanmoins que celle-ci n’a jamais été un rempart efficace contre les politiques capitalistes ni même contre l’extrême-droite. De Mitterrand à Hollande, les différents gouvernements de gauche ont fini à chaque fois par appliquer le programme de la droite, voire de l’extrême-droite (déchéance de nationalité en 2016), et c’est sur le terrain des désillusions avec la gauche au gouvernement que le Rassemblement National a élargi son électorat.

Et même lorsqu’il s’est agi de gouvernements de la gauche dite radicale mais se situant principalement sur le terrain des institutions, le bilan à tirer est loin d’être positif. Portée par une immense vague de luttes en 2015, Syriza a trahi, sous la pression de la Troïka, toutes ces aspirations, fait passer des réformes néo-libérales et privatisé au-delà des espoirs de la classe dominante. Célébré par le Financial Times, Tsipras a ainsi discrédité l’ensemble de la gauche anticapitaliste et pavé la voie au retour de la droite. Penser que la France pourrait s’en sortir différemment car elle est une puissance plus importante que la Grèce en Europe est une illusion, et ce d’autant plus pour une force politique comme LFI qui ne s’appuie pas sur la force organisée des travailleurs.

Olivier Besancenot, Anasse Kazib, Eric Drouet en débat sur QG

De même, Podemos n’a cessé de multiplier les trahisons au fur et à mesure de son intégration au régime. Après s’être désolidarisé en 2018 du grand mouvement démocratique en Catalogne, couvrant sa répression par une rhétorique conciliatrice, son entrée dans un gouvernement de coalition avec le PSOE, en a fait le complice des pires politiques : plan d’aides massives au patronat, augmentation du prix de l’électricité en pleine vague de froid, opposition à la libération des brevets à l’OMC, maintien des lois répressives comme la loi-bâillon (ley mordaza), traitement inhumain des migrants aux Canaries, etc…

La réalité est que tant que les Arnault, les Bettencourt, les Bolloré, les Pinault, les Mulliez et les Drahi auront entre leurs mains les outils de production, distribution et communication, il n’y aura pas de salut pour les travailleurs et les classes populaires. Ce d’autant plus que nous rentrons dans une phase de crise capitaliste dont il s’agira pour eux de faire retomber tout le poids sur nos épaules. C’est pourquoi, le véritable vote utile à la présidentielle est un vote de classe, qui contribue à préparer nos luttes et à nous donner la possibilité d’arracher des victoires jusqu’à en finir avec ce système de misère et d’exploitation.

Une pré-candidature qui incarne un projet politique de long terme, celui d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs

Dans un contexte général où paradoxalement la gauche qui se réclame d’une perspective révolutionnaire n’a jamais été aussi marginale en dépit des phénomènes de radicalisation et de lutte de classes, la pré-candidature de Anasse Kazib n’a pas manqué de créer des remous, notamment au sein du Nouveau Parti Anticapitaliste, dont Révolution Permanente est une des composantes. Traversé par une crise qui vient de loin, ce parti est de fait tiraillé entre différents projets politiques, qui ne manquent pas de trouver leur expression dans le débat sur la Présidentielle.

Un secteur, considérant que l’échec du NPA est dû centralement à son isolement par rapport au reste de la gauche dite radicale, impulse d’ores et déjà des listes communes avec la LFI dans certaines régions comme la Nouvelle-Aquitaine. Évidemment, avec cette logique, il ne voit pas l’intérêt de présenter un candidat révolutionnaire indépendant, ou souhaite envisager d’en présenter un seulement en tant que monnaie d’échange, en visant un retrait au profit d’une liste unitaire.

AG à Gare du Nord le 5 décembre 2019

C’est ce secteur, dont fait partie l’ancien candidat à la Présidentielle Philippe Poutou, qui est à l’origine du communiqué fallacieux prétendant que la pré-candidature d’Anasse ne serait pas légitime. En réalité, les statuts du NPA ne disent rien sur les modalités de désignation des candidats. Dans ce contexte, rien n’interdit à un membre de sa direction nationale, comme Anasse, de proposer sa candidature, d’être soutenu par une partie des militants ou même d’en discuter publiquement avec une partie des acteurs de la lutte de classes des dernières années.

Une lutte de classes vis-à-vis de laquelle le NPA, mais surtout sa majorité historique, a été malheureusement assez extérieur, ce qui confère un caractère sclérosé aux débats internes du parti et pousse chacun à tenter d’expérimenter sa propre politique. C’est ce que fait également Philippe Poutou au travers la liste On est là ! en Nouvelle-Aquitaine (qui n’a pas été validé par les militants du parti ni même de la région), de même que des camarades comme Christine Poupin, elle aussi porte-parole, qui s’est engagée publiquement dans la construction d’une nouvelle organisation, aux contours encore plus flous que ceux du NPA.

Face à cela, la pré-candidature d’Anasse cherche à affirmer à la fois la nécessité d’une candidature révolutionnaire indépendante à la présidentielle, incarnant le meilleur des expériences de la lutte de classes des dernières années, mais aussi à faire du NPA le levier de la construction d’une organisation révolutionnaire à la hauteur de ces expériences et des combats qui s’annoncent. Elle incarne ainsi, au-delà de la figure d’Anasse, la nouvelle génération ouvrière et la jeunesse en lutte contre le capitalisme que les révolutionnaires devraient chercher à organiser politiquement, en dépassant les frontières et les limites de l’extrême-gauche actuelle.

C’est pourquoi une telle candidature pourrait constituer un test et le point de départ de la construction d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs, capable d’attirer des centaines, voire des milliers, de travailleurs et de jeunes qui se sont politisés et radicalisés au cours des dernières années pour tenter d’être à la hauteur des défis de la période qui s’ouvre. Une période de crise profonde du capitalisme et d’inévitables explosions sociales pour laquelle la construction d’un outil révolutionnaire qui soit indépendant de toutes les variantes de la gauche institutionnelle sans être marginal sera décisive.

Les grévistes de l’Infrapôle, de Grandpuits et Sanofi le 4 février 2021

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