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Plan de relance

« 2 milliards d’efforts pour la culture » : ce que finance réellement la mascarade du gouvernement

Alors que l'année blanche des intermittents touche à sa fin en août sans renouvellement en vue et après le fiasco des aides dérisoires aux travailleurs précaires, les deux milliards du plan de relance culturel promis par Bachelot commencent à être distribués. Les principaux bénéficiaires ? Des châteaux, des églises, des abbayes ou encore l'audiovisuel.

Tom Cannelle

11 mars 2021

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Crédit photo : Bertrand Guay / AFP

Depuis septembre dernier, le gouvernement fait miroiter un plan de relance à 100 milliards d’euros dont 2 milliards pour la culture, qui, selon Roselyne Bachelot serait la solution à tout. Alors que la publication du portefeuille précis laissait entendre que les principaux bénéficiaires de cette aide étatique seraient le secteur patrimonial (614 millions), ainsi que la presse l’audiovisuel et le cinéma (428 millions), les récentes annonces viennent confirmer cette orientation.

Le patrimoine mis sur le devant de la scène : les châtelains, les institutions et l’Église sont gâtés

Avec un budget de 614 millions alloué au patrimoine, l’accent est mis comme prévu sur la rénovation de bâtiments historiques et en premier lieu, les églises et cathédrales dont Roselyne Bachelot se targuait le mois dernier dans La Croix d’y allouer 80 millions d’euros et pour ne rien gâcher, 10 millions supplémentaires iront uniquement pour la sécurité de ces lieux.
334 millions ensuite pour les grandes institutions, pour ce qu’elles représentent de « rayonnement culturel », pour le musée du Louvre par exemple, il s’agit d’en profiter pour une rénovation. Pas un mot donc pour tous les travailleurs qui font vivre ces institutions et notamment les plus précaires, les vacataires, médiateurs, étudiants qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans emploi dans nombre de ces institutions culturelles.

En ce qui concerne le reste de ce plot de dépense dans son utilisation concrète, des indices fleurissent dans la presse, ainsi, Dominique David, députée LREM s’épanchait au micro de Sud Ouest : « Trois millions d’euros sont prévus pour la restauration d’une partie du château de Cadillac, en Gironde, 465 000 pour le château de l’Herm en Dordogne, 900 000 euros pour la restauration du couvent des Récollets à Saint-Jean-de-Luz ». De quoi rassurer Stéphane Bern, le « monsieur patrimoine » du gouvernement : les murs ne tomberont pas, en revanche, les quelques 3% de personnes actives vivant du secteur culturel en France n’ont toujours pas de solution quant à leurs fins de mois.

Les filières « stratégiques » : presse, livre, cinéma, c’est l’audiovisuel qui se fait la part belle de ce budget

En France, c’est 3000 petits libraires, et plus de 5000 cinémas, notamment les petites salles, qui sont à l’arrêt total depuis plus d’un an, sans parler des petites structures de monstration ou des non-lieux qui étaient des foyers d’emplois dans le domaine culturel mais qui passent sous les radars du gouvernement. Des ventes de livres qui ont chuté de 50%, cette année, et un plan de relance qui accorde 53 millions pour le « secteur du livre » sans que l’on sache qui va le percevoir, et 165 millions pour le secteur audiovisuel et cinéma centré exclusivement sur la production de contenu. Une goutte d’eau donc, dans la mer de perte pour le petit patronat, qui ne va probablement jamais atterrir dans les poches de ceux qui en ont désespérément besoin. Dans le même temps, les milliards coulent à flot pour les grands patrons qui en priment licencient en masse pour se restructurer. Qui a dit deux poids deux mesures ?

Les travailleurs du spectacle vivant et la jeunesse de la culture, les grands absents de ce plan de relance

Le spectacle vivant en France c’est 217.153 salariés et 276.000 intermittents du spectacle sans compter les contrats courts hors du régime d’intermittence, ou les Contrat à Durée Indéterminée Intermittents, les vacataires... Tous les contrats précaires qui concernent artistes et techniciens, mais aussi les métiers de l’accueil du public comme les ouvreurs...

Rien donc n’est prévu pour compenser les pertes de salaire que subissent les travailleurs de la culture, comme les intermittents qui ont dû vivre uniquement sur leurs allocations chômage souvent trop basses, ou tous autres les travailleurs occasionnels qui doivent se contenter d’une aide qui leur permet à peine d’atteindre les 900€ par mois (et encore, uniquement si ils ont travaillé 60% de l’année dernière). En ce qui concerne les quelques rares titulaires de postes, c’est un chômage partiel ou une reprise partielle de l’activité comme à l’Opéra de Paris, bien souvent en sous-effectif sans embauche d’intermittents, avec la crainte de ce que l’avenir réserve pour le secteur entier.

Cette « précarité absolue » dénoncée notamment durant la mobilisation massive du 15 décembre, est le lot de ceux qui travaillent dans le spectacle vivant et l’événementiel. Pour quelques talents néanmoins, rares chanceux à être concernés, le plan du gouvernement prévoit 13 millions « pour soutenir l’emploi artistique » sans plus de précision sur pourquoi comment qui et dans quelles conditions pourra-t-on bénéficier de cette « aide » qui n’est rien d’autre qu’un contrat de travail, tout comme les 30 millions alloués à « une grande commande artistique » à destination des jeunes diplômés.
Les étudiants de la culture, alors que la jeunesse du pays agonise et que les files pour les paniers repas s’allongent, auront la chance de voir leurs établissements rénovés pour 70 millions d’euros !

Contre le gouvernement et son mépris, construisons une mobilisation à la hauteur

Ainsi donc, après avoir laissé l’épidémie circuler depuis le premier déconfinement, et laissé les lieux culturels fermés délibérément, les fameux 2 milliards du plan de relance destiné à la culture ne sont en fait qu’un écran de fumée. Rénovations de châteaux, d’églises, de musées, d’écoles et autres grandes institutions, rien dans ce plan ne peut permettre aux travailleurs, à la jeunesse de la culture de faire face à l’urgence de la situation de misère dans laquelle le gouvernement nous a précipité. Alors que la deuxième année blanche pour ceux qui ont le statut de l’intermittence pourtant salutaire semble s’éloigner encore, alors que l’ensemble des travailleurs du secteur sont plongés dans une grande précarité, ce dont nous avons besoin est d’un véritable plan de bataille pour lutter contre ce gouvernement qui nous montre encore et toujours vers qui tend ses intérêts : les plus riches même dans le secteur culturel.

Il n’y a rien à négocier avec un gouvernement qui depuis plus d’un an affiche son mépris pour le camp des travailleurs. C’est pour un plan d’urgence à la hauteur de la situation dramatique et qui serve nos intérêts qu’il faut nous mobiliser, et au cœur de ce plan d’urgence, à minima, une "année blanche" jusqu’à un an après la fin de la crise sanitaire pour tous les travailleurs précaires avec une allocation à la hauteur minimale du SMIC, qu’ils dépendent ou non du régime d’intermittence.


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